Association pour le Patrimoine et l'Histoire de l'Industrie en Dauphiné

Informations Livre

Auteur(s): Gauthier Andrée

Année d’édition: 2013

Nombre de pages: 117

Collection:

Editeur: Voiron : Association histoire et patrimoine du pays voironnais

Disponibilité : en bibliothèque universitaire 

Résumé (éditeur) :
De la soie aux produits d’hygiène, ainsi aurait pu être intitulée cette histoire de l’entreprise Ruby qui couvre presque un siècle et plus en prenant en compte les années précédant l’achat de la soierie Pochoy. Les frères Louis et Joseph Ruby ont acquis en 1897 cette soierie qui était déjà un établissement important de Voiron, avec ses ateliers, ses logements ouvriers, sa chapelle. Pendant une dizaine d’années ils conservent  les mêmes fabrications, mais se réorientent ensuite vers le secteur médical, essentiellement par la production de pansements, cotons hydrophiles…

Dès 1910, la société met au point une garniture périodique, fabrication qui sera perfectionnées par la suite et fera largement connaître la marque. Malgré le sévère bombardement subi en 1940, Ruby poursuit son développement jusqu’en 1968. L’Oréal devient alors l’actionnaire principal, jusqu’en 1989 où il vend l’usine au groupe américain Johnson & Johnson, qui la fermera en 1993.

Préface de Colette Allibert, présidente de l’Aphid

A travers l’histoire de l’entreprise Ruby, Andrée Gautier fait aussi revivre celle qui a animé Paviot, quartier industriel de Voiron durant quelque 150 ans.

Du milieu à la fin du XIXe siècle, ce site est l’atelier de soierie que les Pochoy père et fils, nouveaux venus dans l’industrie textile, implantent au bord de la Morge qui prodigue l’eau et l’énergie nécessaires aux fabrications. En 1897, peu après le décès du fils qui restait à la tête de l’entreprise, elle passe dans les mains des frères Ruby, issus d’une famille de soyeux lyonnais.

Jusqu’en 1968, l’établissement vit sous le règne Ruby, une société familiale qui, très tôt s’oriente vers la fabrication de produits d’hygiène, le fait grandir sans parvenir toutefois à le sauver de l’assaut de la concurrence mondiale. C’est alors l’intégration dans le groupe l’Oréal ; il traverse deux décennies marquées par les changements, réorganisations, augmentation puis réduction d’effectifs, dictés par la diminution de croissance économique des années 1970-1980.

C’est finalement, en 1989, la vente surprise au groupe américain Johnson & Johnson, lequel ne tarde pas à mettre en compétition les deux usines qu’il vient d’acquérir en France, celle de Voiron et celle de Sézanne dans la Marne. En 1993, le choix de conserver le site marnais sonne la fermeture de celui de Voiron et la perte de quelque 180 emplois.

 

Le récit donne une large part à la vie ouvrière. Andrée Gautier parvient à collecter des témoignages divers et des sources d’information originales pour traiter ce domaine qu’elle connaît bien. Elle nous fait ainsi mesurer l’évolution du quotidien et des conditions de travail de la main-d’œuvre, femmes et jeunes filles surtout, de l’industrie du textile. Au-delà de l’histoire de Ruby, c’est celle de la mise en place de l’organisation syndicale qu’évoque l’auteur, à travers les épisodes de revendications ouvrières et de manifestations plus ou moins dures. De brèves allusions à quelques pionnières rappellent le rôle qu’ont joué ces femmes.

Reconstituer les aspects économiques, organisation, production, marchés… est plus difficile pour l’auteur qui déplore l’absence d’archives qui expliqueraient la prise des grandes décisions qui ont infléchi le devenir de la Société. Pourquoi le passage de la production de soies aux produits d’hygiène en 1908 ? Pourquoi la vente de Ruby par l’Oréal à J & J en 1989 ? Pourquoi le maintien du site marnais aux dépens de celui de Paviot au début des années 1990 ? Voilà trois questions essentielles qui sont sans réponse, et risquent de le rester.

Pourtant, à partir d’informations dispersées, Andrée Gautier nous fait découvrir dans le parcours de l’usine de Paviot, assez typique de l’industrie de l’époque, les traits qui singularisent l’épisode Ruby. L’ère Pochoy, c’est l’image caractéristique du secteur textile du XIXe, avec son usine-pensionnat qui « encaserne » les jeunes ouvrières de la soierie, les difficultés économiques- pénurie de matière première puis déclin des ventes – et sociales – revendications ouvrières, grèves – que la direction ne peut surmonter. L’époque Ruby, c’est le règne novateur ; il réoriente les fabrications vers des produits d’hygiène, une activité de niche judicieusement choisie, les diversifie, toujours dans le domaine hygiène et paramédical, en veillant à maintenir leur haute qualité. Cette stratégie avant-gardiste lisse les creux induits par les guerres et les crises économiques, mais aussi le pic de croissance explosive du début des Trente glorieuses et assure un développement relativement régulier. Innovatrice aussi, la politique sociale pratiquée dès 1935 : la création d’une Mutuelle dix ans avant l’avènement de la Sécurité Sociale, et celle d’un journal d’entreprise pour informer le personnel.

Sous la bannière de l’Oréal, le site rejoint peu à peu la cohorte des sociétés de l’industrie manufacturière entraînées dans le tourbillon des difficultés économiques. Le scénario des dix dernières années de son existence est conforme à celui qui décrit la fin de nombre d’établissements de ce secteur : application de mesures pour accroître la compétitivité – changement de dirigeants et d’organisation, recentrage des fabrications, réduction d’emplois – puis transfert dans le giron du groupe américain Johnson & Johnson, qui ferme l’usine dans un climat d’agitation sociale.

Le récit de ces années d’existence de l’usine, Pochoy puis Ruby, est un bel apport à la mémoire et au patrimoine du pays voironnais. Andrée Gautier a su trouver et faire participer des témoins des périodes finales du site et mettre en valeur leur concours. Elle nous fait partager son regret de la disparition des archives qui auraient expliqué la gestion de la société ; cependant, à partir des quelques sources qu’elle réussit à rassembler, elle ajoute une contribution appréciable à l’histoire de l’industrie manufacturière.