Association pour le Patrimoine et l'Histoire de l'Industrie en Dauphiné

Gustave Eiffel, l’ingénieux ingénieur

Conférence de Sophie Mouton, conservatrice du patrimoine et responsable de la Maison Bergès à Villard-Bonnot
lundi 13 mars 2023

Résumé de la Conférence par Anne Laffont

Sophie Mouton, conservatrice du patrimoine et responsable de la Maison Bergès à Villard-Bonnot, depuis deux ans, a présenté l’état de ses recherches pour la préparation de la future exposition « Gustave Eiffel, l’ingénieux ingénieur » du 30/09/2023 au 03/03/2024 à la Maison Bergès, pour le centenaire de la mort de Gustave Eiffel.

 L’exposé a comporté deux parties, la première faisant le parallèle entre les carrières de Gustave Eiffel et Aristides Bergès, la seconde portait sur la construction du pont Eiffel de la Porte de France à Grenoble.

 Gustave Eiffel (1832-1923) et Aristide Bergès (1833-1924)

  • Gustave Eiffel, né à Dijon en 1832 et Aristide Bergès, né à Lorp (Ariège) en 1833 sont tous deux diplômés de l’Ecole Centrale des Arts et Manufactures, respectivement en 1852 et 1854. Fondée en 1829 par Alphonse Lavallée, l’Ecole Centrale des Arts et Manufactures (connue comme ECP, Ecole Centrale de Paris), née d’une initiative privée, est la première école destinée à l’industrie (l’Ecole Polytechnique formait depuis 1794 des cadres militaires et administratifs et non des cadres pour l’industrie). Installée d’abord à l’hôtel de Juigné (actuel hôtel Salé, hôte du musée Picasso) elle comprend 3 années d’études et un concours de sortie. Le dessin technique y prend une part très importante. Tous deux inscrits dans la section des chimistes (chimie des matériaux, métallurgie), G.Eiffel et A. Bergès , ont planché sur un projet de féculerie…
  • A l’issue de leurs études, à cause de brouilles familiales, ni l’un ni l’autre ne rejoint l’entreprise familiale, et tous deux sont embauchés par des compagnies de chemin de fer.
  • La décennie 1850 est marquée par l’exposition universelle de 1855 : la « Fête des machines » et la mise en avant des matériaux qui y sont utilisés, notamment métal et verre. Ceci a fortement inspiré les deux ingénieurs.
  • La première réalisation de G.Eiffel en tant qu’ingénieur est la passerelle de Bordeaux (1858) longue de 500 m, connectant les trains du midi et ceux de l’ouest. Celle-ci existe toujours et est classée monument historique.
  • Eiffel est considéré comme protagoniste de la construction métallique et crée son entreprise « G.Eiffel et Cie » en 1863. En 1866, il fait l’acquisition d’une entreprise de chaudronnerie à Levallois-Perret. Parmi les réalisations, sont cités :
    • le pont sur le Douro à Porto (1875) et le Viaduc du Garabit (1884) de construction similaire (les arcs sont montés à partir des rives, en 6 mois sans échafaudage) ;
    • le pont de Collonges-au-Mont d’or (1886, détruit en sept 1944). Le treillis métallique sera un modèle standard par la suite.
  • La tour Eiffel est construite en 26 mois pour l’exposition universelle de 1889, une prouesse technique rendue possible par la conception très précise et la préfabrication des pièces.
  • En 1889, les difficultés financières liées à la construction du canal de Panama conduisent Eiffel au dépôt de bilan et à la création de la « Compagnie des établissements Eiffel », qui deviendra « Société de construction de Levallois-Perret ».
  • A la suite du scandale de Panama, Gustave.Eiffel se retire en 1893 du conseil d’administration de la Société de construction de Levallois-Perret et abandonne toute activité dans le domaine de la construction métallique.
  • Au-delà de leurs réalisations connues, les deux ingénieurs ont tous deux imaginé des projets très originaux pour l’avenir :
    • Bergès : des machines volantes
    • Eiffel : projet de pont tubulaire pour chemin de fer sous la manche

Le pont de la Porte de France

  • Avec l’extension industrielle, la ville sort de ses remparts et la construction d’un nouveau pont est décidée en 1883
  • Quel emplacement pour le nouveau pont ? La Porte de France qui convient aux industriels dont l’activité se développe dans le nouveau quartier près de la gare et vers Saint-Martin-Le-Vinoux, ou une position plus en amont qui convient mieux aux habitants ? Ce sera la Porte de France. Aristide Bergès, alors conseiller municipal de Grenoble aurait souhaité voir les deux ponts réalisés.
  • Quel type de pont ? La décision est prise en 1884. Le cahier des charges et les plans réalisés par les services des Ponts et Chaussées sont très précis (pont en arcs métalliques, maçonnerie en pierre de Sassenage, dauphins en fonte pour la décoration des garde-corps…). 15 sociétés répondent à l’appel d’offre.
  • En 1891 le marché est attribué aux établissements Eiffel, car c’est le moins-disant. Les travaux sont réalisés entre janvier 1892 et mai 1893. Les ouvriers sont recrutés quotidiennement en fonction de l’avancement des travaux et des besoins.
  • Le respect des exigences est strict : la première livraison des dauphins pour le parement du pont est refusée (différence entre l’exécution et le dessin).
  • L’inauguration a lieu le 27 avril 1893, sans les candélabres.
  • S’étant dégradé (corrosion), et mal adapté à la circulation automobile, le pont est démoli (1957-58). Trois des dauphins sont conservés au Musée Dauphinois

Question/Réponses

  • Pourquoi pas un pont suspendu pour la Porte de France ? La réponse n’est pas connue : peut-être une question de coût
  • Quid de la « Halle Bouchayer » ? Félix Viallet, à l’origine de cette halle, était lui aussi centralien, mais elle ne peut être attribuée aux ateliers d’Eiffel. Les ateliers Levallois-Perret ne faisaient pas ce type de charpente, et cette halle a été démontée de l’exposition universelle de 1900, et remontée à Grenoble en 1901.
  • Statue de la liberté (New York) ? En 1885 la frégate «Isère» transporte depuis Rouen la statue de Bartholdi (structure reposant sur un pylône conçue par G.Eiffel à la demande du sculpteur).