Nous étions 18 Aphidiens pour la visite du nouveau Musée d’Allevard du 17/10/2023 (on n’est pas tous sur la photo).
Cette visite très intéressante et complète a été richement commentée par Pauline Wittman, Chargée des publics et de la communication du Musée d’Allevard.
Bref historique du musée
Le Musée d’Allevard est né dans les années 1970 sous l’impulsion de l’association Jadis Allevard, créée en 1976 pour protéger et enrichir le patrimoine local. Il occupe alors une partie de l’ancien bâtiment administratif de la Société des Forges d’Allevard, fermé en 1974. En 2004, l’association cède l’ensemble de ses collections à la commune d’Allevard.
Dans la perspective d’une rénovation, un projet scientifique et culturel est élaboré en 2007 avec le suivi de la Conservation du Patrimoine de l’Isère. En 2016, la commune d’Allevard transfère la gestion du musée à la Communauté de Communes du Grésivaudan qui reprend alors la conduite du projet de rénovation. Ce dernier prévoit le déménagement du musée dans l’ancien Casino, un renouvellement de la muséographie et l’aménagement de réserves adaptées aux conditions de conservation préventive.
Le projet muséographique de ce nouveau musée met en valeur l’histoire et les spécificités du pays d’Allevard et fait de cette institution un outil de développement culturel et touristique. L’exposition permanente met ainsi en valeur 4 axes représentatifs du territoire : la métallurgie, le thermalisme, l’hydroélectricité et le tourisme.
1 – La Métallurgie
Depuis le 11e siècle, une activité métallurgique est attestée à Allevard. Chauffé puis forgé, le fer, devenu fonte ou acier, sert alors à la production d’outils agricoles ou d’épées. Du martinet à l’hydroélectricité, en passant par le haut-fourneau, cette activité se transforme et s’adapte aux évolutions technologiques. Dans le même temps, et sous l’impulsion d’industriels, elle spécialise progressivement sa production jusqu’à aujourd’hui, notamment dans les aimants.
Cette histoire remonte à l’âge de Fer ( 850 ans avant JC ) quand les populations parviennent à maitriser son extraction.
La légende raconte que les Gaulois auraient gagné la bataille de l’Allia, près de Rome, en 390 avant JC, grâce à leurs épées en fer d’Allevard…
C’est au moyen âge que l’utilisation du fer prend une place prédominante pour fabriquer toutes sortes d’outils , armes et ustensiles .
Riche en gisement de fer de qualité, vastes forêts dont le bois sert de combustible et vigoureux torrents qui actionnent machines et fourneaux font que le pays d’Allevard connait depuis des siècles une activité métallurgique intense .
Peu de contrées présentent une vocation industrielle aussi constante dans sa persistance que la terre d’Allevard. Du Xème siècle au XXème siècle, de l’âge des Croisades à l’âge atomique, ce petit canton montagnard, à l’écart du Grésivaudan mais participant à la vie générale du Dauphiné en dépit de son isolement, a constamment et puissamment agi sur l’évolution industrielle d’une provincel, où les hommes d’initiative n’ont jamais ‘manqué. Expliquer cette permanence de l’activité par la présence de mines de fer autrefois célèbres n’est pas suffisant, car aujourd’hui ces mines, concurrencées par celles, infiniment plus riches, de notre région du Nord-Est, sont laissées à l’abandon et pourtant la métallurgie d’Allevard persiste et prospère indépendamment de leur déclin. En réalité, si Allevard compte encore dans le tableau de la métallurgie dauphinoise, c’est bien plus à l’activité d’une lignée de grands industriels qu’elle le doit. Ce sont principalement les de Barral au XVeme siècle et Eugène Charrière au XVI siècle qui ont fait d’Allevard ce qu’il est devenu, et son histoire est avant tout celle d’une activité industrielle qui, en dépit de toutes sortes de vicissitudes, a su triompher des ans et demeurer tout en évoluant, avec la Science.
Les principales étapes de cette aventure industrielle
On pourra consulter pour plus d’information le document de Pierre Léon – Deux siècles d’activité minière et métallurgique en Dauphiné : L’usine d’Allevard ( 1675 – 1870 )
Au XVeme siècle
A la fin du XVème siècle, l’industrie d’Allevard se présente encore sous une forme très modeste : les mines sont entre les mains d’une foule de petits exploitants, sans connaissances théoriques, sans moyens financiers ; les fourneaux et les martinets sont de très médiocres entreprises, groupant autour d’un patron quelques ouvriers et n’ayant qu’une très faible capacité de production.
L’ère des de Barral : 1675-1760
C’est alors que va intervenir la famille de Barral, grande famille de nobles dauphinois qui s’est implantée dans le pays d’Allevard en prenant le pouvoir sur la métallurgie pendant près de 150 ans.
La période des incertitudes de 1760 à 1830 : l’inadaptation d’Allevard aux conditions nouvelles
Dans une France qui, à l’exemple de l’Angleterre, commençait à évoluer vers le machinisme et le grand capitalisme, l’usine d’Allevard restait singulièrement handicapée, perdue au milieu de ses montagnes et en proie à des méthodes périmées. Aussi, à mesure que le temps passe, les difficultés de toutes sortes qui l’assaillent rendent de plus en plus manifeste son insuffisance.
Allevard et l’effort de guerre : 1789-1795
Lorsque la guerre est déclarée, les Piémontais menacent dans leurs offensives de 1792 et de 1793 la position frontière ď Allevard. Mais si la guerre apporte à Allevard des angoisses, elle lui apporte aussi une occasion de redressement. Le Comité de Salut public et ses représentants, pour assurer l’armement de l’armée des Alpes, exige avant tout que la production de la fonte soit poussée au maximum, car sans ce produit de base, pas d’acier résistant, pas de fusils, pas de baïonnettes à espérer.
Mais les espoirs d’un relèvement immédiat ď Allevard allaient rapidement être déçus. La crise monétaire, la dépression économique générale frappent l’usine de Barral, comme elles frappaient en même temps les autres usines dauphinoises .
La chute des de Barral
Les de Barral ne peuvent plus échapper à l’emprise du capital liquide, dont ils ont un besoin sans cesse plus pressant et qui leur fait totalement défaut. Dans ce cadre ils ont dû emprunter des sommes importantes avec force intérêts, ceci accentuant leur déclin. Paulin de Barral, qui n’avait cessé de négocier pour vendre Allevard à l’Etat ou à des «capitalistes », devra se résoudre à franchir le pas décisif le 5 décembre 1817 en vendant à André Champel la plus grande partie du domaine forestier, le haut-fourneau et les mines.
André Champel et l’effort de modernisation : 1817-1830
André Champel devait avoir à sa disposition des liquidités assez importantes, car au cours des treize années de sa gestion, il se livra à un effort non négligeable et géra la situation durant cette période .
André Champel, en dépit de la marque personnelle qu’il avait imprimée à l’affaire, ne se maintiendra pas longtemps. Ainsi, en 1830, la situation d’Allevard reste encore indécise et, à bien des points de vue, l’usine est semblable à ce qu’elle était au XVIIIème siècle, tant par ses méthodes de fabrication que par son orientation. Mais déjà certains signes annoncent un changement prochain ; ce changement va s’affirmer rapidement après 1830.
André Champel contracta à l’égard de Giroud père, banquier Grenoblois, une obligation de 360.312 frs et suite à de nombreux aléas et problèmes, il dut lui aussi, le 28 mars 1831, vendre à son créancier les usines, les mines et le domaine forestier de 2.747 hectares pour la somme de 850.000 francs .
L’orientation vers la grande industrie moderne : 1830-1870
Le Rôle des Giroud : (1830-1842)
Mr Giroud, ancien receveur principal , avait fondé la Banque Giroud Père et Cie le 24 Juillet 1824 et avait étendu son rayon d’action dans la vente en gros de marchandises. Il s’associa momentanément à Félix Penet, maire de Grenoble, sous la raison sociale PENET-GIROUD et Cie le 18 Avril 1861, mais rapidement les dissensions se produisirent et Félix Penet se retira en 1883. Giroud , maitre de la situation, sera ensuite puissamment aidé par Eugène Charrière, homme d’une grande compétence commerciale, d’un esprit ouvert et d’un jugement lucide, qui ne tardera pas à s’imposer et dirigera l’usine dans le sens où elle devait réussir à se perpétuer. Giroud développa la société métallurgique en faisant l’acquisition de nombreuses sociétés de la région : Pinsot, Saint-Hugon, particuliers, soit en tout 10 concessions assurant à l’usine une écrasante supériorité.
Comment expliquer qu’une société si puissante en apparence se soit si brutalement effondrée ? En réalité, le krach qui se produisit en 1840 n’est pas provoqué par la marche vicieuse de l’usine : il est une conséquence des jeux de la finance et de l’imprudence commerciale des Giroud.
La constitution – de la société Eugène Charrière : 1840-1842
Ainsi, au 19eme siècle, Allevard prend le train de la grande industrie avec Eugène Charrière, âgé de 37 ans, qui acheta le 9 Mai 1842 l’usine Giroud avec toutes ses dépendances pour devenir Eugène Charrière et Cie pour 1.300.000 frs, alors que l’estimation en était de près de 2 millions. L’ancien second de Giroud reprenait donc la suite de la puissante société.
Ce n’est cependant qu’après 1849 que Charrière va donner toute la mesure de son intelligence en donnant des orientations nouvelles et en diversifiant les activités, cela donnant des bénéfices importants avec un nombre de salariés qui a atteint 800 personnes en 1867. Il restera à la tête de l’entreprise durant 45 ans jusqu’à son décès en 1885.
L’ère des Frères Schneider : 1874-1899
La société Schneider & Cie fondée par les frères Schneider en 1836 est une entreprise sidérurgique basée au Creusot et s’illustre dans de nombreux domaines demandeurs de minerai de fer. Manquant de ce précieux minerai, les Schneider décident de prendre le contrôle de gisements alpins et rachètent à Eugène Charrier et Cie toutes les mines de l’usine d’Allevard à deux conditions : leur fournir de 10 000 To de minerai an et la construction d’un chemin de fer industriel.
En 30 ans la production annuelle de minerai passa de 7 000 à 60 000 To.
L’entreprise du Creusot abandonne finalement les mines d’Allevard en 1899 en privilégiant le minerai Lorrain.
L’usine d’Allevard fermera définitivement leurs portes en 1922.
2 – Hydroélectricité
Au tournant des 19e et 20e siècles, la puissance du torrent du Bréda séduit des industriels qui y voient une source d’énergie pour leurs activités. Métallurgistes et papetiers aménagent ainsi ce cours d’eau avec des barrages, des conduites forcées et des centrales hydroélectriques. Mais l’industrie n’est pas seule dans cette course à l’hydroélectricité. En 1896, la commune d’Allevard installe la première centrale hydroélectrique sur un affluent du Bréda, à Pont-de-Veyton, pour des besoins en éclairage. Certains de ces aménagements hydroélectriques fonctionnent toujours : l’hydroélectricité reste une source d’énergie importante dans le pays d’Allevard.
3 – Thermalisme : de 1834 à nos jours
Découverte à la fin du 18e siècle, l’eau thermale d’Allevard se caractérise par sa teneur en soufre. Si le premier médecin des thermes d’Allevard, Monsieur Laurent Chataing, estime que cette eau soigne tous les maux, le docteur Bernard Niepce spécialise la station dans les affections des voies respiratoires. Aujourd’hui, les thermes sont aussi spécialisés dans la rhumatologie, la fibromyalgie et souhaitent s’étendre au secteur du bien-être. Afin d’accueillir ces curistes, un premier établissement thermal est créé à l’entrée de la Gorge du Bréda, près de la source, dès 1834. Avec la hausse du nombre de curistes, un nouvel établissement est créé à la fin des années 1830, modifié dans les années 1890, qui perdure jusqu’à aujourd’hui et dont les dernières modifications datent de 1991 avec le bâtiment Villiot.
4 – Tourisme
Dès le 18e siècle quelques aristocrates britanniques s’aventurent dans les Alpes dans le cadre du Grand Tour, voyage pédagogique pouvant être considéré comme les prémices du tourisme alpin. À Allevard, comme ailleurs, l’apparition tant des stations thermales que du chemin de fer vont donner une impulsion au tourisme. La bourgeoisie qui vient en cure à la belle saison s’autorise alors excursions en montagne ou descentes en traineau à Brame-Farine. En plus de se démocratiser suite aux congés payés de 1936, le tourisme en pays d’Allevard va aussi s’ouvrir à la saison hivernale au cours du 20e siècle. En 1955, la station de ski du Collet d’Allevard est inaugurée. Elle sera la première dans la vallée du Grésivaudan.
Compte rendu rédigé par Francis Fournier