Nous étions 13 Aphidiens pour la visite du Musée Matheysin du 22/04/2024.
Cette visite très intéressante et complète a été richement commentée par Guillaume Benoist, Directeur du musée, homme passionné et intarissable sur ce sujet, qui nous a fait découvrir la variété et la richesse de cette petite ville éléments certainement méconnus de beaucoup.
Guillaume Benoist
Merci au Musée Matheysin de nous avoir permis d’utiliser pour ce compte rendu les éléments et illustrations du site du musée sur lequel on pourra trouver plus d’informations : https://musee-matheysin.fr
La Maison Caral
Une galerie-porche du 18ème siècle clôt la cour côté rue du plus ancien ensemble bâti de La Mure.
Il garde le nom de Caral en souvenir de cette famille de notables qui compta un consul, un maire, un médecin etc. La ville de La Mure est propriétaire des lieux depuis 1976.
Archéologie
Découvertes fortuites ou fouilles archéologiques, les collections réunissent des pièces issues des trois cantons du sud de l’Isère. Les traces d’occupation – habitat, ateliers- sont nombreuses à La Mure et aux alentours dès le Néolithique.
Les vestiges gallo-romains du site du Clos-Challon découverts de 1985 attestent le rôle important de La Mure sur l’axe Vienne-Montgenèvre.
Une réplique de la charte de 1309 par Jean II Dauphin (archives municipales) rappelle notamment la fondation de la première halle.
Les rares monuments hérités du Moyen-âge concernent des mottes castrales et des églises.
Les guerres de Religion
La Mure subit un siège ravageur fin 1580.
Alors bastion protestant défendu par Lesdiguières, la ville de 1 500 âmes est cernée par les troupes et l’artillerie de Charles de Lorraine. Cette bataille marque encore le plan de la ville attaquée par quelque 8 000 Catholiques. La ville y perdit ses châteaux, ses remparts, sa halle, son prieuré et sa citadelle en forme d’étoile. Les lieux de cette dernière sont marqués aujourd’hui par un calvaire qui domine La Mure : Les Trois-Croix.
La Révolution et l’Empire
La Matheysine soutient la Révolution (née à Vizille en 1788) sans heurts particuliers… De cette période date le jeu de cartes du curé Goubet. Ce prêtre constitutionnel signait au dos des bons pour les pauvres en échange de services ou de denrées.
De l’Empire, on retient le passage de Napoléon acclamé par la population le 7 mars 1815
La Mine
En Matheysine, cette période amorce l’exploitation rationnelle de l’anthracite, peu à peu organisée par Napoléon dès 1806. Quelques grandes familles gèrent les premières concessions du côté de La Motte d’Aveillans, Pierre-Châtel ou Notre-Dame de Vaulx.
La création de La Compagnie des mines d’anthracite de La Mure marque le début de l’ère industrielle en Matheysine et des fameuses « Mines de La Mure ». Nationalisées en 1945, les mines sont rebaptisées Houillères du Bassin du Dauphiné. Les mines ferment le 28 mars 1997. A leur apogée entre 1950 et 1960, on dénombra près de 4 000 mineurs !
Aujourd’hui, les vestiges de la mine sont surtout les cités : un habitat conçu de 1860 à 1966 selon le modèle de quartiers pavillonnaires qui évolua vers des cités-jardins avec potager, lavoirs, épicerie Coop… une architecture à découvrir à la boutique (brochure Anthracités).
Le monde rural
Le monde de la paysannerie
Le Beaumont, la Matheysine et le Valbonnais demeurent avant tout des secteurs d’élevage et de culture. La région est encore prisée pour ses alpages de vaches et de moutons. Les hameaux gardent des fermes de tailles moyennes, à l’architecture traditionnelle caractéristique (salles voutées, pignons à redents etc.). Une extraordinaire maquette en pierre relève ces spécificités.
Tableaux, photos et film… l’iconographie rurale abondante rappelle la vitalité des villages, de Valbonnais à Versenat quand les foins et les moissons terminés, il fallait battre le blé, rentrer le bois pour un long hiver.
On se souvient aussi des vignes sur les coteaux du Drac ou de la Bonne, des vendanges sur la pente non loin des chèvres désormais presque disparues…
La ganterie : Un artisanat grenoblois en Matheysine
Les hommes à la découpe, les femmes à la couture… la ganterie de chevreau est un artisanat développé par les maisons grenobloises avides de main d’œuvre rurale bon marché.
Métier complémentaire ou principal, il occupe à domicile ou en atelier jeunes et anciens dès les années 1840 alors. Plusieurs ateliers plus ou moins éphémères naissent en ville : Lacroix, Poncet, Gras, Reynier, Centemeri, Vallier, Terray, Francoz, Brun… ce sont des centaines d’ouvriers concernés.
Un nom se distingue, celui des Perrin. Ces frères natifs de Nantes en Rattier érigent leur atelier en bordure de la ville en 1900. Il ferme ses portes vers 1955… les dernières gantières cousent chez elles jusque dans les années 1960.
Le colportage
L’hiver poussait le paysan sur les routes, « balle » sur le dos pour un commerce itinérant jusqu’en Provence, jusqu’au printemps… Les marchands négociaient toiles, tissu, mercerie, objets de piété ou semences avant de remonter au pays préparer les récoltes et soulager l’épouse rester seule dans la ferme. La mémoire de ce métier reste vive dans le Valbonnais et le Valjouffrey, à Entraigues ou au Périer où durèrent de longues lignées de négociants-voyageurs. Rappelons ici que le père de Jean-François Champollion (le traducteur des hiéroglyphes qui a son musée à Vif) était lui-même colporteur de livres et natif de La Roche à Entraigues. Il sédentarisa son commerce à Figeac (Lot) où naquirent ses enfants.
La Mure 1900
Au tournant du siècle, La Mure est en ébullition ! Emmenée par un maire charismatique, entreprenant et radical, La Mure n’est plus un village mais une ville façonnée par Alfred Chion-Ducollet. Ses déboires avec ses opposants défraient la chronique à travers le monde. De cette IIIème République triomphante, on garde les premières photos de La Mure et les drapeaux de conscrits (Monuments historiques).
C’est l’époque des premiers artistes dignes d’intérêt : Maurice Brétaudeau, Auguste Davin, Victor Miard et ses élèves. Ces artistes – Brétaudeau, Miard, Garanjoud- se succédèrent au poste de professeur de dessin au collège de La Mure près du jardin de ville tous deux créés en 1888.
Dans le parc, est dressé Le Coup de Grisou, sculpture de l’ancien mineur et artiste murois Abel Chrétien (1919-1972). Plusieurs œuvres de Chrétien sont visibles dans l’hôtel de ville ou dans le cimetière. Abel Chrétien eut une carrière fulgurante à Antibes et aux USA. Le Hirshhorn Museum à Washington garde des bustes du couple Hirshhorn rencontré sur la Côte d’Azur. (voir la conférence Aphid de Guillaume Benoist : Abel Chrétien, l’artiste des mines de la Mure)
L’art de Garanjoud
A la mort du peintre Claude Garanjoud (1926-2005), son épouse Françoise légua ses œuvres à La Mure, ville où l’artiste vécut et enseigna. Ses toiles abstraites, traduction d’une gestuelle dynamique, puisent leur inspiration dans la nature, la poésie et la pensée spirituelle orientale.
Cette œuvre représentant un M est devenue l’emblème de la Mure.
Olivier Messiaen
Le compositeur Olivier Messiaen (1908-1992) repose en Matheysine dans le cimetière de Saint-Théoffrey. En 1936, il avait choisi pour lui et les siens ce village comme havre d’inspiration. Olivier Messiaen est revenu ici chaque été nourrir sa musique du chant des oiseaux. Sa propriété au bord de l’eau aujourd’hui détenue par la Communauté de Communes de la Matheysine sert de résidence d’artiste et accueille le public chaque été grâce à une programmation conçue par AIDA.
Robert Ibanez
Le mineur Robert Ibanez (1931-2020) trouva dans la peinture et dans la sculpture en fer un exutoire à sa condition de travailleur « au jour ». Aucun autre comme lui n’a su traduire cette mélancolie matheysine partagée entre l’amour de la nature, des animaux et la répulsion/fascination de la mine.
Compte rendu rédigé par Francis Fournier