Le barrage du Sautet a 90 ans
présentée par Jean-Paul Zuanon, chercheur retraité en science politique
Compte rendu
En introduction, Jean-Paul Zuanon explique qu’il avait un intérêt initial pour l’Obiou, a vu le barrage, puis découvert un ensemble considérable de photos à la Maison de patrimoine de Pellafol, photos qui sont à l’origine de l’ouvrage Le barrage du Sautet, prouesse technique, aventure humaine, qu’il a publié en 2016 et qui vient d’être republié.
C’est sur la présentation commentée de cette impressionnante collection de photographies et de documents que la conférence est construite.
La construction
Le Drac, dont l’origine du nom pourrait être « dragon », est depuis longtemps redouté et exploité. A la suite de la loi sur l’eau de 1919, qui établit un système de concessions pour l’hydroélectricité, l’ingénieur Ernest Dusaugey est mandaté par la Société des hauts-fourneaux de Chasse pour réaliser un inventaire des possibilités d’exploitation hydroélectriques sur le Drac. Des installations étaient déjà en fonctionnement ou en construction (Barrage de Pont-du-Loup). Le site du Sautet, avec son étroit canyon et sa grande hauteur de chute est remarqué malgré la difficulté d’un barrage de grande hauteur et les risques.
Une maquette pour le barrage du Sautet est présentée à l’exposition de 1925 à Grenoble : elle suscite l’enthousiasme mais il faut trouver les financeurs. La première pierre du barrage est cependant posée en juin 1927 et la construction du pont au-dessus du canyon est réalisée dès septembre, en 6 mois seulement.
Les difficultés de différentes natures, financières comme la crise de 29, météorologiques avec une crue exceptionnelle qui fait monter les eaux du Drac de 15 m en quelques heures, n’empêchent pas la réalisation en 1932 de la galerie de dérivation des eaux nécessaire à la construction du barrage. Celui-ci, prévu initialement comme un barrage voûte, est par précaution réalisé comme un barrage « mixte » sur un socle massif en béton. Malgré l’arrêt pour cause de neige pendant l’hiver 33-34, le barrage est mis en eau en 1935, et inauguré en grandes pompes par le président Lebrun, qui profite de son séjour à Vizille et inaugure inaugure aussi le barrage du Chambon dans le même voyage.
Les hommes et le chantier
La construction par l’entreprise Dalberto a nécessité 1800 ouvriers venant de 35 pays. Leur hébergement a été assuré dans des granges et autres lieux existants, mais une cité ouvrière a également été construite… L’encadrement était logé dans le « chalet suisse » à Pellafol. Les conditions de travail sont difficiles. Un accident fait 37 morts. Deux bacs sont installés pour la traversée, un pour les voitures, l’autre pour les personnes ; un accident de ce dernier fait 20 morts en 1936
Après 1935
En 1940, D’après Ernest Dusaugey, des instructions ont été données pour détruire le barrage, mais n’ont pas été exécutées, l’armistice ayant été signé.
En mars 1942, le projet est achevé. Le projet initial d’Ernest Dusaugey, qui prévoyait 3 usines pour exploiter l’eau n’a pas été totalement réalisé, mais des éléments de ce projet ont finalement été construits, comme le barrage de Saint-Pierre-Cognet (1957) et celui du Monteynard (1962).
En 1946, EDF a pris en charge la gestion du barrage et de la production d’électricité qui sont toujours en service aujourd’hui.
Questions/Réponses
- Comment sont gérées les secousses sismiques ?
- On ne sait pas comment, mais cela avait été pris en compte pour le Sautet
- Il y a eu des secousses et le barrage a bien résisté
- EDF a systématiquement des capteurs pour prévenir les problèmes sismiques sur tous ses ouvrages depuis les années 60
- Les conduites forcées sont impressionnantes. Par ailleurs le plan d’eau et l’aspect touristique sont aujourd’hui importants
- EDF avait obtenu un poste d’instituteur pour les enfants des exploitants. L’école donnant sur le lac avait une très belle vue sur le lac. Le « chalet suisse » évoqué pendant la conférence a été temporairement utilisé comme école pendant un chantier.
- Qui a exploité avant 1946 ? Apparemment la Société des Forces motrices Bonne et Drac, qui avait été créée pour cela par la Société des hauts fourneaux de Chasse.
- Qu’en est-il du béton du barrage et de son évolution ?
- Il y a eu des « reconsolidations », mais n’y a pas eu au Sautet les mêmes problèmes qu’au Chambon, où des problèmes de compatibilité existaient entre les agrégats et le béton, conduisant à des gonflements.
- La construction nécessite de couler le béton en continu, sans interruption, ce qui a été fait au autet mais n’avait apparemment pas été respecté pour le barrage de Malpasset.
- Comment est assuré le lien entre la roche et le barrage ? Des ancrages ont été réalisés. Il y a eu des fuites (et même des résurgences) mais sans conséquences sur l’édifice.
Pour en savoir plus
- Le barrage du Sautet, prouesse technique, aventure humaine, Jean-Paul Zuanon, Editions du Fournel, 2016&2025 (voir https://aphid.fr/2025/01/14/le-barrage-du-sautet-1900-1950)
- Le barrage et l’usine hydro-électrique du Pont-du-Loup sur le Drac, Eric Bettega, 2017 https://www.barrages-cfbr.eu/IMG/pdf/historique-pont_du_loup_2017-02_bettega-eric-1.pdf
Compte rendu rédigé par Jean-Marc Chaix